🧠🇦🇷 SILVIA 🇦🇷🧠 TAROT READER INTERVIEW

Rencontrée en atelier de pratique chez Emmanuelle Iger, j’ai tout de suite été conquise par son accent chantant le soleil d’Argentine, son franc-parler tout en pertinence et rondeur pour interpréter les tirages. Elle est drôle, profonde et totalement ICONIC, j’ai nommé l’incontournable Silvia !

Délectez-vous de cette interview riche et passionnante d’une ancienne psychanalyste qui nous partage son expérience sur l’utilisation du tarot.

L’interview se décompose en 3 parties :

1- Une interview classique : Le tarologue répond à des questions de présentation.

2- Une interview avec le Tarot : À travers un tirage, le Tarot présentera le tarologue qui commentera les cartes. 😉

3- L’interviewé donne son avis sur mon travail ! #TarotLEGOforever

1- INTERVIEW CLASSIQUE DE SILVIA

QUE FAIS-TU DANS LA VIE ?

Je suis née à Buenos Aires, mais j’habite à Paris depuis 38 ans. Alors si je dois te dire qui suis-je, je ne sais pas que répondre. Il m’arrive de me sentir chez moi aussi bien ici que là-bas mais, trop souvent, étrangère où que je sois. Petite, je voulais être détective ou archéologue. J’étais une gamine fascinée par tout ce qui est caché. J’adorais chercher des pistes, des traces, découvrir et trouver ! Au Lycée, quand j’ai fait connaissance avec l’Inconscient (si je peux le dire ainsi) le choix d’être psychologue m’est apparu comme une évidence. Mais, appartenant, du côté paternel, à une longue lignée des médecins, ma famille a refusé catégoriquement mon choix. Donc, à peine fêté mes 23 ans, j’étais déjà médecin et très vite interne en Psychiatrie.

Et voilà que quelques années plus tard, rebelote !! car en France, j’ai été obligée de passer les équivalences de mon diplôme de médecin, et ensuite à nouveau le concours d’interne, de praticien, et j’en passe. Aujourd’hui, je remercie finalement mes parents car la Médecine m’a apporté de la rigueur, une immense capacité de travail et un contact assez précoce avec la maladie et la mort, ce qui m’a été très utile pour la suite de ma vie. J’avoue aussi quelques bénéfices collatéraux, comme par exemple l’ajout d’une note de sérieux à ma personne et le fameux Caducée, qui m’a épargné pas mal d’amendes.

Je me suis toujours donnée à fond dans mon boulot. J’ai été interne, assistante et praticienne hospitalière. J’ai été ethno-psychiatre travaillant dans des quartiers dits « sensibles ». Et j’ai été psychanalyste, en Institution et dans mon Cabinet. Tu imagines la multiplicité de dispositifs de soins que j’ai dû éprouver pour m’occuper des troubles les plus variés. L’aspect technique de ces dispositifs m’a toujours le plus intéressé. Qu’est ce qui soigne vraiment ? Car une chose c’est la théorie et une autre la pratique. Tu sais, par exemple, que tu peux donner un antidépresseur à un déprimé et que ça ne marche pas. On dit alors qu’il s’agit d’une dépression résistante. Mais pourquoi ? Pourquoi parfois ça marche, et parfois pas du tout, si en théorie ça devrait marcher….

De plus, mes origines contrastées, mes premières années passées à Buenos Aires, ma pratique régulière de la danse – notamment du tango – m’ont fait accorder une valeur aussi importante à l’affect qu’à la parole. J’aime utiliser un répertoire nourri de la sagesse populaire et de la culture artistique. J’essaye d’être en créativité permanente, et l’humour y trouve une place essentielle.

Par ailleurs, j’ai formé et conduit des groupes d’analyse de pratiques auprès d’infirmiers, d’éducateurs, de psychologues, de médecins généralistes, d’assistantes maternelles, et plus dernièrement d’art-thérapeutes…
Or, depuis cet été, j’ai décidé de me battre en retraite. J’ai envie de savoir justement qui suis-je sans tout ça. J’ai envie d’être disponible pour moi-même et me laisser porter par la liberté. J’en ai eu marre de rester assise toute la journée avec la sensation de courir tout le temps. Marre de vivre dans une Ville avec un soleil trop timide pour être si chère. Marre de parler tout le temps le français. Marre des Institutions et leur lot d’hypocrisies. Marre de ne pas avoir le temps pour des trucs tout simple. Voilà.

Raconte-nous ton histoire avec le Tarot

C’est une histoire marquée de pierres blanches qui ont fini par dessiner un chemin.
Déjà petite, il y avait une femme qui venait visiter ma mère toutes les semaines. Elle était une ombre mystérieuse qui se glissait dans une pièce où elles s’enfermaient, et il ne fallait surtout pas les déranger. Elle s’appelait Esplendorosa. Splendide en français, c’est joli non ? Sauf qu’elle était vieille et moche. Genre sorcière qui fait peur.

Un jour, face à mon insistance, ma mère m’a dit qu’elle tirait les cartes, qu’elle voyait l’avenir et lui donnait des conseils. Pour moi, elle était une voleuse, telle une gitane qui prenait l’argent pour dire ce que ma mère avait envie d’entendre. En grandissant, j’ai fini par comprendre que cette femme était sa confidente, un peu sa thérapeute, ou comme on dit aujourd’hui, son coach. Il faut dire que ma mère était chef d’entreprise et qu’elle se trouvait régulièrement dans des histoires abracadabrantes.

Culture locale oblige, j’ai eu plus tard l’occasion de me faire tirer les cartes, mais, à chaque fois, on m’a fait des prédictions sur le futur, et je n’aime pas ça. Je préfère découvrir sur la marche. Je dirais même plus, je suis convaincue qu’on construit sa vie. D’ailleurs, ces divinations ne se sont jamais confirmées. J’attends toujours le fameux italien qui allait devenir l’homme de ma vie… Déjà à 62 ans, il n’y pas eu L’Homme, l’unique, il y en a eu plusieurs et à chaque fois, Il a été L’Homme de ma vie !

Mon premier Tarot, je l’ai acheté dans le sud de la France. J’avais 21 ans et, avec une copine, on avait pris un pass de train pour deux mois afin de connaître le plus possible d’endroits au moindre coût. Un jour, dans une gare du Sud, nous sommes tombées sur le Tarot de Marseille. Un petit coffret avec une manuel d’instructions à l’intérieur. Chouette ! On allait profiter de tous ces trajets ferroviaires pour nous initier à la divination ! Très vite, nous avons pris la mesure d’une telle entreprise et nous avons laissé tomber. Trop difficile, compliqué, hermétique. Surtout, je peux avouer aujourd’hui que ces cartes étaient devenues, pour moi, des objets actifs, dangereux à manipuler. Comme si les personnages dessinés avaient une vie propre, secrète, que je ne pouvais pas déranger sauvagement sans qu’ils ne se retournent contre moi. Ah la névrose !

Ensuite, quand j’ai pris la décision de quitter mon pays pour m’installer à Paris, sans trop savoir pourquoi, j’ai décidé de me faire tirer les cartes. Encore aujourd’hui, je déteste cette tarologue anonyme. Pas Splendide du tout ! J’étais allée chercher des encouragements, des outils censés pouvoir m’aider dans mon aventure. Ella n’a eu que des mots durs. Elle m’a dit que tout allait être très difficile. Maintenant que j’ai appris à lire les cartes, j’essaye en vain d’imaginer le tirage qu’elle aurait pu interpréter et je ne trouve pas. Je n’ai jamais fait un tirage où la conclusion puisse être aussi négative. Il n’y a eu ni aide, ni conseil. Pas la moitié de verre plein !

À 27 ans, en congé maternité et donc chez moi, j’ai sorti le fameux coffret et j’ai dessiné une énorme carte du Mat. Copie fidèle, en grand format que j’ai même plastifié. Je ne savais pas pourquoi je faisais ça. Je n’ai jamais su dessiner, donc j’ai copié. Je n’ai rien changé aux proportions, aux couleurs, rien enlevé ni ajouté. Ça m’a pris plusieurs jours de concentration. Mon mari architecte dessinait des bâtiments et moi, à son côté, le Fou. J’avais peur d’être folle, ce n’est pas pour rien qu’on devient psy. Fabriquer cette carte a dû conjurer quelque chose… Elle doit être encore dans la cave et maintenant que je me suis familiarisée avec elle, et surtout avec « ma folie », j’ai envie d’aller la chercher, de la sortir de son long sommeil et de la regarder en face.

On arrive à 2017, j’ai 60 ans et je subis une opération en urgence pour une affection anodine, qui aurait pu me couter la vie si elle n’avait pas été identifiée et opérée à temps. J’étais à Buenos Aires et prête à rentrer, avec ma carte d’embarquement d’Air France en poche, quand j’ai commencé à ressentir des fortes douleurs abdominales. Aux urgences, le chirurgien me propose d’ouvrir direct sans perte de temps avec des examens complémentaires. Moi, qui n’ai jamais été malade, je m’attendais donc au pire. Une tumeur, des métastases… Eh bien non ! C’était simplement une obstruction intestinale par bride. Une bride à la suite d’une césarienne qui se réveille 31 ans plus tard !!!! Dans ce lit d’hôpital, j’ai pu, assez vite, élucider ce qui me bridait dans ma vie à ce moment-là ; cependant, il s’agit d’une autre histoire.

Bercée par mes pensées, je me suis souvenue de quelque chose que m’avait dit la tarologue de ma mère. Si l’italien n’était jamais arrivé, elle avait aussi parlé de ma santé. Avec désinvolture, elle avait proclamé : « Tu ne seras jamais malade ! Je vois quelques hospitalisations, mais liées à la gynécologie et aux accouchements car ta santé sera toujours excellente ! » Mais comment peut-on interpréter et dire un truc pareil ! Ça, c’est de la voyance ! Alors, elle a vraiment vu ? ou grâce à sa suggestion, je n’ai effectivement jamais été malade ? Trop fort ! Cette question reste ouverte. Effectivement, jamais malade, à l’exclusion de la césarienne réalisée à la suite d’une erreur de l’obstétricien, et de la bride suite à la césarienne.

Un mois et demi plus tard, de retour à Paris, je reprends aussitôt mon travail de psychanalyste. Or, comme je suis quelqu’un qui aime bouger, aller voir ailleurs et que mon métier m’obligeait à rester assise jusqu’à 12 heures par jour, je trouvais mon équilibre dans quelques activités physiques, toutes interdites par le post-opératoire. Il fallait que je trouve un truc. Que pouvais-je faire tout en restant assise ?

Le Tarot n’a pas tardé à se présenter à mon esprit. Cette fois, je n’avais plus peur, je me sentais solide, en paix, prête ! J’ai regardé alors tous les sites de tarologues parisiens à la recherche d’un Maître. Une grande majorité m’a semblé trop ésotérique pour moi. Trop flous, pas de rigueur dans leurs propositions, trop tape à l’œil ou trop mystérieux… Jusqu’au moment où je suis tombée sur le site d’Emmanuelle Iger. Elle avait l’air jeune et dynamique, son site était bien construit, clair, beau, facile à utiliser et, surtout , j’ai découvert l’existence du Tarot psychologique ! Je me suis inscrite direct à un stage d’initiation.

D’emblée, je me suis sentie très libre. Je n’avais rien à démontrer. Emmanuelle était d’une clarté incroyable. Après une introduction sur l’histoire du tarot, elle nous a présenté, avec pas mal d’humour, les Majeurs comme une suite naturelle, dans un in-crescendo qui m’est apparu d’une logique impeccable. Un chemin quasi initiatique, qui va du Mat au Monde et qui a toute de suite fait écho en moi avec d’autres cosmogonies qui m’étaient familières. Très vite, j’ai trouvé que ces fameux personnages à priori énigmatiques, voire dangereux, je les connaissais en fait depuis longtemps sous d’autres figures. Qu’ils me soient présentés officiellement par une connaisseuse a légitimé le fait que je puisse les fréquenter jusqu’à me les approprier, sans crainte, sans jugement. Depuis, si je suis à Paris, j’ai un énorme plaisir à participer à ses ateliers.

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Emmanuelle sait écouter. Je reconnais une collègue, une vraie thérapeute avec une disponibilité psychique incroyable, capable d’accueillir et d’entendre l’autre, le différent, le bizarre, le surprenant. Cela peut paraître pédant de ma part, mais je trouve qu’elle a une éthique professionnelle très très proche de la mienne. Oui, les tarologues ont une éthique de travail et cela s’est encore confirmé quand j’ai vu, lors du Festival Tarot 2019, d’autres tarologues à l’œuvre.

De quelle façon tu travailles avec le Tarot ?

J’ai une pratique assez partielle. C’est rare que je l’utilise sur ma personne. Parfois, dans l’atelier de pratique, je peux poser une question perso, mais c’est vraiment rare. Et, en dehors des ateliers, il m’arrive de tirer les cartes à des ami.e.s.
Mon but est que la personne puisse partir plus riche, plus armée de versions d’elle-même, avec de nouvelles perspectives. Que chaque carte soit une fenêtre de changement possible. C’est pour ça que j’ai du mal avec le Tarot divinatoire. Il existe le danger d’enfermer quelqu’un dans l’arbitraire d’une vérité unique qui sort de sa bouche et au mieux du don du voyant-tarologue.

Le but d’un tirage, pour moi, est toujours d’ouvrir, de faire voir la moitié pleine.
Tu sais, mon expérience de psychanalyste, de psychiatre et d’ethnopsychiatre m’a appris que c’est très facile de démolir quelqu’un. Une personne qui vient consulter est en souffrance et attend beaucoup de la consultation. En général et en principe, elle a déposé toute sa confiance sur le professionnel qui est censé savoir, pouvoir l’aider. Mais, attention ! Il y aussi une crainte qui coexiste. Justement la crainte de ce savoir, de ce pouvoir. C’est un peu comme le Pharmakon grec, mot ambigu qui désigne médicament et poison en même temps. Il faut savoir l’employer, le doser. Efficace, certes, mais pour quoi faire ? Guérir ou tuer ?

Ces objets techniques que sont les cartes réveillent alors de l’espoir et de la crainte. Il faut couper le tas : avec quelle main ? la gauche ? Une tension s’installe et est renforcée par le fait d’avoir la responsabilité de les choisir, une à une, pour chaque emplacement. On remarque très souvent des hésitations, des recherches impromptues, car il ne faut pas se tromper ! comme si la vie, le destin en dépendaient. Une fois les cartes montrées sur la table, elles deviennent comme un livre ouvert qui est censé dire « la vérité toute la vérité et rien que la vérité ». Autrement dit, comme si des barrières ou des illusions venaient se révéler. Comme si on venait d’ouvrir quelqu’un et qu’on avait accès direct à son intérieur, à son noyau. Ce qui est dit à ce moment-là devient évidemment fondamental. On a une voie royale pour atteindre le plus intime de cette personne. On peut l’appeler son Inconscient, son Cœur, ses Tripes… Ce qui est sûr, c’est que la personne est atteinte. C’est pour ça qu’on peut aussi faire du mal, détruire. L’enjeu véritable du travail est alors, si nécessaire, de déconstruire, mais à la condition que dans le processus de la consultation, on puisse reconstruire, afin que la personne puisse partir avec une version utile pour continuer sa vie. C’est comme dans la guerre, où tu balances une bombe, c’est facile, mais le travail, le vrai, commence après, quand il faut reconstruire et c’est beaucoup plus long.

Quand tu es psy, les ami.es ont tendance à te soumettre des problèmes personnels, même les collègues ! J’ai passé des soirées entières de ma vie à répondre à des questions, à traiter de problèmes « hors cadre ». Beaucoup d’intellectualisation, des heures passées à papoter pour que rien ne change. La bienveillance, l’empathie, l’amitié, ont toujours primé sur l’efficacité de l’échange et, pourquoi pas ? C’est bien aussi d’écouter les ami.es, de donner son avis, mais, très souvent, à quoi bon ? Combien de fois j’ai été déçue, voire très triste face à la sourde oreille ou au « tourner en rond » sans que rien ne change. Il m’est arrivé, quelques fois, de me dire : toi, mon ami, comme j’aimerais t’avoir comme patient ! Parce qu’il y aurait le cadre, la technique. Les mots ne tomberaient pas dans le vide. Il arrive aussi avec un patient de tourner un peu en rond, mais le cadre, la technique, facilite, voire précipite, la découverte de nouveaux sens. Depuis que j’ai les cartes, on abrège. On s’adresse à elles. Le transfert s’opère sur les cartes et non sur moi, j’ai un cadre !

J’ai souvent les cartes dans mon sac, mais je ne les tire que si on me le demande. Je reste sur mes vieux réflexes. Mes ami.es savent que j’ai appris à tirer les cartes, donc s’ils le souhaitent, ils n’ont qu’à demander. J’avais préjugé qu’ils seraient sceptiques car la majorité sont des intellectuels. Mais, finalement pas du tout ! Des philosophes, des artistes, des chercheurs au CNRS, même des collègues analystes se sont assis pour « lire » les cartes à mes côtés. Très peu ont préféré éviter l’expérience avouant leur peur. Ce qui confirme, malgré tout, leur croyance dans le Tarot et son efficacité. Au fond, ils croient tous que ça marche, mais ils ne le crient pas dans la Cité.

Je propose de poser une seule question. Implicitement ça veut dire : mais qu’est-ce qui t’afflige vraiment ? ça structure déjà. Ils sont obligés de réfléchir… purée ! une question ? une seule ? Oui – je dis- on la traitera ensuite en réfléchissant aux emplacements des cartes, et là on pourra la complexifier, la nourrir. Je construis les tirages suivant mon apprentissage avec Emmanuelle Iger. Bien écouter la question du consultant est primordiale. Parfois, des idées se préfigurent seulement à l’écoute de la formulation (que je garde pour moi, évidemment) et qui peuvent guider pour étayer des questions subsidiaires qui seront les différents emplacements de cartes. Une fois la question posée, je l’écris devant eux. Ça donne une importance incroyable a cette question unique.

Et on se met à co-travailler. Je propose des emplacements surtout liés aux blocages, aux illusions possibles, et on les décide ensemble. Je raconte toujours l’histoire de la carte, ses significations. J’essaye de décaler ma personne des cartes. Ce sont elles qui parlent et pas moi. Parfois il arrive qu’en voyant une carte, l’interprétation propre du consultant soit directe spontanée sans mon intervention. Les gens ont toujours des théories sur leur vie, leur malheur… Ils savent sans le savoir. Ma délicatesse ici est de respecter et d’intégrer leurs savoirs dans une théorie, une narrativité plus large. Les dessins des cartes sont comme des objets palpables, leur visibilité aide énormément, car il y a toujours quelque chose que les gens ne voient pas et qu’on peut leur montrer, mais aussi des trucs que, nous, on n’a pas vu et qu’eux nous montrent. Jamais oublier qu’on a tous des points aveugles. Là, la surprise est fulgurante et prend sens directement avec notre intervention ou pas.

La différence avec nos échanges amicaux éternels est étonnante. L’effet produit par la lecture des cartes « ensemble » (je sors parfois le livre ou les antisèches) n’a point de comparaison avec les discussions à bâtons rompus : même si je pouvais émettre des propositions, à mon sens, aigus, fins… ça restait rationnel, compréhensif. La lecture des cartes, elle, continue à agir dans le temps. Souvent ils me disent : « Comment la carte a pu voir si juste ! Je n’arrête pas d’y penser ! » Une parole agissante les habite. Les cartes sont bien des objets actifs avec une logique symbolique intrinsèque.
Les cartes m’amusent. Réussir à trouver la logique d’ensemble d’un tirage, c’est le pied ! Surtout, si, en plus, j’arrive à condenser dans une phrase l’interprétation globale de ce tirage. Un peu à la manière de l’interprétation d’un rêve. Si en plus ça peut rappeler un dicton, tant mieux. C’est un art ! Dans ce sens, il existe une continuité avec mon travail de psychanalyste.

TDM (Tarot de Marseille) ou RWS (Rider Waite Smith) ? 

Pour l’utilisation que j’en fais, je préfère le RWS, plus visuel pour les Mineurs. Mais j’ai vu tirer seulement avec les Majeurs du TDM et j’ai trouvé ça magnifique ! J’en serai incapable pour l’instant.

Quel est ton Tarot préféré ?

Je connais de loin d’autres jeux de Tarot. Souvent les gens apportent à l’atelier de pratique d’Emmanuelle des jeux incroyables, très beaux. Mais je suis très satisfaite pour l’instant de mon RWS, je continue à le trouver merveilleux. Il arrive qu’en atelier, parfois, on lisse ces autres cartes, pour moi inconnues, et je ressens un vrai plaisir à découvrir d’autres figures, d’autres détails et donc, d’autres interprétations possibles.

Quelle est ta carte préférée ?

Le Mat !
Je le trouve assez puissant. Il n’a pas de numéro. Il peut débarquer à tout moment et faire désordre. Il ne regarde pas où il marche mais il y va, pour le meilleur et pour le pire. C’est un aventurier, amoral même, néanmoins il incarne l’audace. Aussi, il est comme le Bouffon du Roi, qui est très insolent pour dire des vérités. Sans lui, il n’y aurait jamais de révolutions, de changements !

Quel est ton oracle préféré ?

Je ne connais pas les oracles.

Penses-tu qu’on peut inviter le tarot à une séance de psy (en vrai) ? Penses-tu que cet outil puisse être pris au sérieux par cette communauté ?

C’est une question compliquée. Déjà, il faudrait se demander si l’utilisation du Tarot peut être considérée comme un dispositif thérapeutique. Je pense que oui, mais avec ma courte expérience et ma pratique, très partielle, je ne me sens pas légitime pour en dire davantage. Chaque dispositif thérapeutique a sa logique, sa théorie, sa technique qui lui est propre. Donc, moi, en tant que psychanalyste, je ne vois pas quand, ni comment, ni pourquoi, j’aurais proposé un tirage. Il serait arrivé comme un cheveu dans la soupe, ou dans notre jargon comme un passage à l’acte.

Mais ce que je peux dire c’est qu’une grande partie de mes analysants est allée voir des tarologues, des énergéticiens, des voyants, des chamans et ils en parlaient sur le divan. Non seulement, cela ne m’a jamais vexé mais, au contraire, j’ai trouvé l’événement extrêmement intéressant et toujours à prendre au sérieux. A quel moment du processus de l’analyse ces gens ont eu la nécessité d’aller voir ailleurs ? quel effet ça a produit ? J’ai toujours pu intégrer ces consultations dans nos séances. Voire, ça a pu débloquer ou signifier des choses dans la thérapie. C’est mon côté Mat ! Je me souviens de deux patients sud-américains qui sont allés consulter Jodorowsky et ont même réalisé les rituels qu’il leur aurait prescrit. Pourtant, ils ont continué leur analyse avec moi. De la même manière que tous les thérapeutes ont des points aveugles, leurs dispositifs thérapeutiques aussi.

En tant que psychiatre, ça m’est arrivé deux ou trois fois de convaincre « les Tutelles » pour que des patients très compliqués puissent aller voir leur guérisseur au pays. En tant qu’ethnopsy, j’ai pu même travailler en consultations avec de vrais thérapeutes traditionnelles qui étaient assis à côté de moi en tant que collègues à part entière.

Mais en tant que psychanalyste, ce n’est pas pareil. Il ne s’agit pas non plus des mêmes patients tant au niveau de leur structure psychique que de leurs appartenances culturelles.

Ceci dit, je ne sais pas comment travaillent les psychanalystes jungiens.
En Psychiatrie, il y a souvent des patients très difficiles, qui ont du mal à parler d’eux, avec une vie imaginaire pauvre, et dans ces cas, la question aurait pu se poser de prescrire une consultation avec un tarologue, par exemple, de la même manière qu’on peut prescrire des séances de psychodrame, d’art-thérapie ou d’hypnose….

Actuellement, la Psychiatrie est devenue de plus en plus biologique. C’est terriblement dommage. En Médecine, il arrive d’appeler des coupeurs de feu pour soigner de grands brûlés. Elle reconnaît ses limites et laisse de la place à ceux qui ont ce don. La Psychiatrie, elle est tellement floue dans ses diagnostics et l’efficacité de ses psychotropes qui a trop peur d’autres pouvoirs. L’Establishment considère qu’en dehors de la prescription de médicaments et la thérapie cognitive comportemental, le reste est du charlatanisme, même la psychanalyse !

2 – INTERVIEW PAR LE TAROT DE SILVIA

Tirage Tarot

Toi : 5 de bâtons

Je suis une battante, prête à me confronter aux autres pour défendre mes positions.

Ta force : 6 d’épées

Je suis capable de prendre de la distance et d’avoir du recul tout en emportant avec moi ce qui me paraît essentiel. Je peux donc aider les autres à prendre le large, à abandonner de situations qui leur font souffrir, à faire des deuils.

Ta vision du tarot : 8 d’épées

Ma crainte que le tarot puisse devenir un système de croyances limitantes. Qu’il soit utilisé pour enfermer le consultant dans de prédictions ou conseils l’empêchant de réfléchir ou de ressentir par soi-même.

Ce que tu apportes à l’autre grâce au tarot : 5 de deniers

Identifier le manque. Il deviendra moteur pour aller voir ailleurs, pour entamer le voyage intérieur.

Comment tu travailles avec le tarot : L’Impératrice

Dans la créativité! En prenant soin de l’autre, dans le plaisir et dans le but de l’aider à développer ses capacités créatrices.

3 – QUE PENSES-TU DE MON TRAVAIL ?

J’aime beaucoup ! Je le trouve assez impertinent, osé, frais et très drôle ! Le côté un peu insolent passe bien car la bienveillance est omniprésente. Je crois que faire intervenir un petit personnage te donne cette liberté sans passer pour une arrogante. J’aime beaucoup les formulations, toujours cash, directes, pragmatiques ! De même que la manière avec laquelle tu manies des images, des dictons, des expressions populaires dans un franc parler imprégné de la culture contemporaine, des comics… ça vient dépoussiérer le tirage classique. Sincèrement, bravo !

Interview passionnante ! J’ai adoré donner la parole ma Silvia. Tellement ICONIC ! C’est toujours un plaisir de passer du temps en sa compagnie. Merci d’avoir accepté cet interview mais surtout merci pour tous tes encouragements et ton soutien dans la vraie vie.

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